À l'occasion de sa participation en tant que juré au festival Clap 89 de Sens, Christophe Julien, compositeur français renommé, revient sur son parcours, ses inspirations et sa vision de la musique de film. Son expérience riche et variée, jalonnée de rencontres et de collaborations marquantes, offre un regard éclairé sur le rôle crucial de la musique dans l’univers cinématographique.
Votre enfance bourguignonne a-t-elle influencé votre parcours et votre créativité musicale ?
Ce qui est intéressant à Dijon, c’est que nous avions la chance d’avoir d’excellents musiciens et des classes d’écriture de très bon niveau. Je repense à mon professeur Guy Leclerq, qui donnait le goût d’écrire de l’harmonie et du contrepoint. Tout cela a favorisé et développé en moi une réelle envie de créer. C’était une période passionnante, avec des professeurs eux-mêmes passionnants. La Bourgogne a donc certainement eu une influence sur mon parcours. Même si l’envie de création était déjà en moi, ce cadre a renforcé cette dynamique. J’étais d’abord interprète, mais je sentais que la création faisait partie de moi aussi.
Quel a été votre premier instrument ?
J’ai commencé par la guitare. En réalité, je suis guitariste avant tout. Je joue plusieurs instruments dont le piano, mais la guitare s’est imposée très naturellement. J’ai donc suivi le parcours qui m’a mené jusqu’au Conservatoire national supérieur de musique de Paris avec Alexandre Lagoya et également Julian Bream.
Pouvez-vous nous parler de votre formation musicale, notamment avec Alexandre Lagoya ?
Ce qui était intéressant avec lui, c’est qu’il ne parlait pas uniquement de guitare. Il avait une approche très humaniste de la musique. On pouvait discuter de cuisine avant d’aborder la musique ! C’était sa manière d’être, et il transmettait de belles valeurs. Il m’a toujours encouragé à suivre mon ressenti. J’aurais pu poursuivre une carrière de guitariste concertiste, mais je sentais que cela me limitait. Ce qui me manquait, c’était l’acte de création pure. Je n’avais pas encore envisagé d’aller vers la musique de film, mais je savais que la composition ferait partie de mon parcours.
Comment avez-vous fait vos premiers pas dans la musique de film ?
C’est le fruit d’une rencontre avec un jeune réalisateur, Nader T. Homayoun. Il réalisait son premier court-métrage et m’a proposé d’en composer la musique. Nous avons collaboré sur plusieurs films par la suite, et cette expérience m’a ouvert les portes du cinéma. Être compositeur ne signifie pas forcément savoir écrire pour l’image. Contrairement à une pièce musicale classique ou contemporaine, la musique de film doit répondre à des contraintes précises, aux attentes du réalisateur, du monteur, et également du producteur. J’aime cette collaboration, cet échange permanent.
Vous avez travaillé régulièrement avec Albert Dupontel, notamment sur "Au revoir là-haut » et « Adieu les cons », qui vous ont valu deux nominations aux César, et de nombreux prix dont le grand prix Sacem. Comment décririez-vous votre collaboration ?
Avec Albert, nous sommes en perpétuelle recherche. Il s’agit avant tout de trouver l’intention musicale qui servira le mieux le film. Albert Dupontel possède une grande culture musicale, ce qui rend nos échanges très enrichissants. Lorsqu’un thème lui plaît, il sait qu’il fonctionnera, car il résonne avec l’histoire et les images. C’est un travail sur le temps : cela fait plus de treize ans que nous collaborons.
Vous travaillez aussi avec d’autres réalisateurs…
Oui, j’ai une relation privilégiée avec Éric Besnard et Fred Cavayé, avec qui j’ai signé la musique originale de plusieurs films. Ce qui donne toujours envie de retravailler ensemble, c’est avant tout la confiance et l’écoute mutuelle. Lorsque l’on se sent libre de créer, c’est un vrai plaisir.
Comment adaptez-vous votre méthodologie en fonction des réalisateurs ?
Chaque film est une nouvelle aventure. Selon le sujet, le style, l’époque, l’approche musicale diffère. Par exemple, j’ai récemment travaillé sur Louise Violet, un film intimiste situé dans une France profonde, et sur Saint-Ex, qui évoque Antoine de Saint-Exupéry dans une dimension beaucoup plus épique. Deux univers totalement opposés.
Vous composez aussi pour des documentaires. L’approche est-elle différente ?
Oui, car les budgets sont souvent plus réduits, ce qui empêche d’avoir un orchestre symphonique, par exemple. Sur un documentaire récent consacré à la Shoah pour France Télévisions, « Esther Senot, la rescapée d’Auschwitz » j’ai proposé plusieurs thèmes au réalisateur afin qu’il puisse les utiliser librement, en fonction du montage. Contrairement à un long-métrage où l’on peut travailler plusieurs mois sur la musique, un documentaire impose des délais plus courts. Mais c’est un exercice passionnant car il aborde des thématiques rarement traitées dans la fiction.
Quel conseil donneriez-vous à de jeunes réalisateurs souhaitant intégrer la musique dans leur court-métrage ?
Il faut faire confiance aux émotions du film et au jeu des comédiens. Je me place toujours sur ce point de vue. La musique ne doit pas être un simple remplissage, elle doit servir un propos. J’aime assister aux tournages pour observer les acteurs, car cela influence ma manière de composer.
Quelle musique de film auriez-vous aimé composer ?
Il y a vraiment des thèmes que je trouve très beaux. Je pense à deux en particulier. Il y a une musique de Georges Delerue : La Peau douce. Je trouve que c'est un thème d'une grande douceur, très émotionnel, vraiment magnifique. Des thèmes comme celui-ci sont rares. Il y en a un autre également, Les choses de la vie de Philippe Sarde, un morceau marquant et sublime, interprété par Romy Schneider. Je reste par ailleurs un inconditionnel de James Horner, parti trop tôt, et ayant créé des thèmes incroyables. Ce sont des musiques qui me viennent immédiatement à l'esprit.
Le CLAP 89 est un festival international du court métrage organisé par l’association Sens-Fiction à Sens. Sa 36ème édition a eu lieu du 5 au 7 avril 2024 au Cinéma Confluences. Le festival met en avant de nouveaux talents avec des films de 1 à 20 minutes, jugés par un jury de professionnels. Des prix comme le CLAP D’OR et le CLAP D’ARGENT sont décernés aux meilleures œuvres.
L’association organise aussi des événements cinématographiques tout au long de l’année.
Plus d’infos sur clap89.com
100 rue de la république - CS 70809
89108 Sens Cedex
Les services de la mairie de Sens sont ouverts :
Du lundi au vendredi : 8h30 à 12h – 14h à 17h30
Samedi : 9h30 à 12h (permanence formalités administratives)
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